samedi 11 mai 2019

Acheminement du courrier sous Napoléon 1er

A partir des articles de Robert Rolland (Napoleon.org) 

et de Anne Bretagnolle (Université Paris 1, UMR Géographie-cités)

Le service des postes sous l’Empire
Lorsque, le 18 mai 1804, l'Empire est proclamé, le service des Postes est dirigé par Antoine Marie Chamant de Lavalette, directeur général des Postes. Tout dévoué à l'Empereur, Lavalette reste à ce poste jusqu'en 1814.

A la fois chef d'une administration et collaborateur de l'Empereur, Lavalette dirige son service avec toute l'autorité nécessaire pour assurer la rapidité et la permanence des communications postales. Et la poste est d'autant plus indispensable que le télégraphe, malgré les avantages certains qu'il comporte, n'est pas encore, loin s'en faut, capable de concurrencer la Poste.

Transformation de la poste depuis 1789
L'évolution du réseau est fortement accélérée par l'instruction d'Orly en 1738 qui marque le début d'un programme d'équipement routier dans l'ensemble des généralités du royaume, par la création de l'école des Ponts et Chaussées en 1747. Cette politique est un temps retardée par la Révolution et les différentes crises qui lui succèdent. Des relais sont fermés, des routes abandonnées. Au total, ce sont près de 3000 km de routes postales qui disparaissent entre 1783 et 1810. C’est seulement sous l’Empire, puis sous la restauration et la Monarchie de Juillet, que le programme d’équipement routier bat à nouveau son plein.


Fortement perturbée par la Révolution, la poste a été totalement transformée dans ses structures administratives et juridiques. Considérée depuis le 17e siècle comme un monopole d'Etat, la poste était mise en ferme : c'est-à-dire que l'exploitation postale était confiée à une compagnie de financiers qui versait au Trésor Royal une redevance fixée par un bail renouvelé tous les cinq ans. Les Fermiers généraux des Postes, tout autant que ceux des gabelles et autres impôts, tiraient un vaste profit de l'exploitation postale. Mais la Ferme des Postes contestée est maintenue cependant jusqu'au 25 frimaire an VIII (16 décembre 1799) : elle est alors remplacée provisoirement par une régie intéressée avant de devenir une Direction générale du ministère des Finances. La Poste est alors placée, et pour près d'un siècle, sous l'autorité du ministre des Finances.


La réglementation postale en vigueur a été publiée en 1792 sous forme d'une Instruction générale sur le service des Postes : la rédaction de ce texte important a été confiée au secrétaire général Legrand, ancien agent de la Ferme des Postes et qui reste secrétaire général jusqu'en 1816. C'est lui qui aux côtés de Lavalette dirige le service des Postes. Le monopole du transport des lettres a été défini par l'arrêté des consuls du 27 prairial an IX (16 juin 1801).

Enfin, le 14 floréal an X (4 mai 1802), un nouveau tarif pour la Poste aux lettres a été publié.
Ainsi le nouveau directeur général Lavalette est à la tête d'une administration qui repose sur des bases juridiques solides, avec un personnel compétent, utilisant des méthodes et des techniques éprouvées. Deux grands services sont soumis à l'autorité de Lavalette: la Poste aux lettres d'une part, le service des Relais d'autre part.

Poste aux lettres
C'est le service de transport et de distribution des correspondances. Nous sommes loin alors du trafic que connaît aujourd'hui la Poste qui achemine chaque jour des millions de lettres. En 1789 environ 30 millions de lettres avaient circulé en France par l'intermédiaire du service postal. En 1821 le trafic s'élevait à 45 millions de lettres. Cette progression se manifeste également par le nombre des bureaux qui passe de 1284 en 1791 à 1.630 en 1815. Le personnel ne compte que quelques centaines d'agents : 3.588 en 1815.

La lettre, pour ne plus être aussi rare que jadis, n'est pas encore répandue dans les couches de la population. Seuls les gens aisés peuvent recevoir des lettres. Car le port est payé par le destinataire et non par l'expéditeur, comme cela se fait généralement aujourd'hui. Le tarif est le suivant pour la lettre simple pesant moins de 7 grammes.
Jusqu'à 100 km…………….2 décimes
100 à 200 km…………….3 décimes
200 à 300 km…………….4 décimes
400 à 500 km…………….5 décimes
500 à 600 km…………….7 décimes
600 à 800 km…………….8 décimes
800 à 1.000 km…………….9 décimes
au-dessus de 1.000 km……1 franc

Ce tarif, fixé par la loi du 27 frimaire an VIII sera modifié par la loi du 14 floréal an X ramenant à 6 grammes le poids de la lettre simple. Enfin la loi du 24 avril 1806 établit onze zones de taxation au lieu de huit précédemment.
Comment envoyer des lettres ? Soit en les déposant au bureau le plus proche, soit comme à Paris en les jetant dans les boîtes disposées dans certaines rues. Paris dispose de huit bureaux et, en 1810, 308 boîtes à lettres ont été installées dans les rues. En hiver, les boîtes sont levées 5 fois par jour et 5 distributions sont assurées. En été, du 30 mars au 1er octobre, le nombre est porté à dix. Les habitants de la banlieue parisienne sont moins privilégiés : une seule levée et une seule distribution par jour. En province certaines communes disposent d'un bureau de poste et le départ des courriers est variable, mais en général on compte un départ tous les deux jours.
Les lettres pour l'étranger doivent être affranchies au départ: l'expéditeur se rend alors au bureau de poste où l'affranchissement sera calculé en fonction du pays de destination. Les conventions postales qui régissent la taxation des lettres étrangères sont négociées entre les différents offices postaux.
La réglementation en vigueur précisait également le prix à payer pour les lettres chargées, les échantillons, les livres et aussi les articles d'argent. Pour le port des matières d'or ou d'argent, la règle en vigueur depuis 1791 était de faire payer une taxe équivalent à 5 pour cent de la valeur de l'envoi. Mais l'administration des Postes était responsable, en cas de perte, de la totalité de la somme. Les malles de courrier transportent donc souvent des sommes d'argent importantes.
Toutefois il est intéressant de noter les mesures prises en faveur des militaires. Un règlement, daté du 17 février 1808, prévoyait la suppression du transport matériel des sommes d'argent adressées aux militaires en Campagne. Le comptable devait conserver l'argent en caisse et adresser à son collègue du bureau de destination un mandat payable à vue. Seules les sommes inférieures à cent francs par envoi pouvaient être adressées selon le système qui, d'abord réservé aux soldats en Campagne, fut en 1812 étendu à tous les militaires en garnison.
Ces dispositions qui prirent fin en 1815 furent reprises en 1817 mais, cette fois, appliquées à tous les usagers et non plus seulement aux militaires : c'est pourquoi la date généralement citée de création du mandat est 1817, alors que le système créé à la poste aux armées date du Premier Empire.

Les estafettes
Si la création du mandat sous l'Empire n'a pas frappé les esprits, en revanche le développement du service des estafettes est beaucoup plus connu. Selon Lavalette, l'Empereur lui-même portait toute son attention au bon fonctionnement de ce service:

 » C'est à l'époque de 1805 que je fis usage en grand du système des estafettes que l'Empereur me commanda d'organiser et dont les bases lui appartenaient.
Il avait senti l'inconvénient de faire franchir à un seul homme d'énormes distances.
Il arriva plusieurs fois que des courriers excédés de fatigue ou mal servis n'arrivaient pas au gré de son impatience. Il ne lui convenait pas non plus de mettre entre les mains d'un seul homme des nouvelles dont la prompte réception pouvait avoir une influence grave et quelquefois décisive sur les événements les plus importants. J'organisai donc par son ordre le service d'estafettes qui consistait à faire passer par les postillons de chaque station les dépêches de cabinet enveloppées dans un portefeuille dont nous avions, lui et moi, chacun une clef. Chaque postillon transmettait à la station suivante un livret où le nom de chaque poste était inscrit et où l'heure de l'arrivée et du départ devait être relatée. Une amende et des peines sévères, suivant la récidive, punissaient la perte du livret et la négligence du maître de poste à inscrire l'heure de l'arrivée et du départ. J'eus beaucoup de peine à obtenir l'exécution de ces formalités.


Mais avec une surveillance active et constante j'en vins à bout et ce service s'est fait pendant onze ans avec un succès complet et des résultats prodigieux. Je pouvais me rendre compte d'un jour de retard dans l'espace de 400 lieues. L'estafette partait et arrivait tous les jours de Paris et aux points les plus éloignés, Naples, Milan, les Bouches du Cattaro, Madrid, Lisbonne et par suite Tilsitt, Vienne, Presbourg et Amsterdam. C'était d'ailleurs une économie relative, les courriers coûtaient par poste 7 f 50, l'estafette ne coûtait pas 3 francs. L'Empereur recevait le huitième jour les réponses écrites aux lettres à Milan et le quinzième à Naples. Ce service lui fut très utile. Il fut, je puis le dire sans vanité, un des éléments de ses succès « .

Vitesse d'acheminement
C’est le premier réseau d’échange public de l’information qui se déploie à l’échelle d’un territoire national. Il est fondé sur un système de relais, permettant d’acheminer des dépêches ou des petits colis de manière rapide, grâce au changement de monture (en moyenne tous les 15 ou 20 km). Selon les estimations de l’historien Guy Arbellot (1973), la vitesse postale est de l’ordre de 7 km/heure au début du 18ème siècle et de 12 à 14 km/heure par la suite jusqu'en 1830.




La poste et la politique
On le voit, le bon fonctionnement de la Poste était essentiel pour l'Empereur. Parfois la Poste devient pour lui un instrument de gouvernement.
Le Blocus continental est déclaré en novembre 1806. L'article 2 du décret suspendait toute correspondance avec les Iles Britanniques :
 » Tout commerce et toute correspondance avec les îles britanniques sont interdits. En conséquence, les lettres ou paquets adressés ou en Angleterre ou à un Anglais, ou écrits en langue anglaise, n'auront pas cours aux Postes et seront saisis (article 2) « .
La correspondance de Napoléon montre tout l'intérêt que l'Empereur attachait à l'exécution de cet article. Il écrit ainsi à Gaudin le ministre des Finances dont dépendait La Poste :
 » Faites une circulaire et prenez des mesures pour que, dans l'étendue de l'Empire, toutes lettres venant d'Angleterre ou écrites en anglais et par des Anglais soient mises au rebut. Tout cela est fort important, car il faut absolument isoler l'Angleterre « .
Napoléon
Si la surveillance des lettres pour l'Angleterre fut, à partir de 1806, officielle le contrôle de la correspondance par le Cabinet Noir l'était moins. Le Cabinet Noir, institution ancienne fonctionnait sous l'Ancien Régime et de nombreuses personnalités avaient eu à se plaindre de la violation de leurs correspondances. Aussi, le 27 juillet 1789, Stanislas de Clermont Tonnerre écrivait au nom de l'Assemblée Nationale :
 » La nation française s'élève avec indignation contre la violation du secret de la poste, l'une des plus absurdes et des plus infâmes inventions du despotisme « .
Pourtant malgré cette proclamation, le Cabinet Noir continua son oeuvre malgré de nombreuses déclarations d'intentions. Et le 27 pluviose an IV, le ministre des Finances s'adresse aux administrateurs de la Poste aux lettres :
 » De grands motifs, Citoyens Administrateurs, engagent le Directoire Exécutif à établir momentanément un bureau secret dans l'Administration des Postes pour y vérifier les Lettres allant et venant de l'étranger… « .
Sous l'Empire, les employés de bureau secret continuèrent à traiter les lettres des ministres étrangers et de nombreuses personnalités, sans oublier certains membres la famille impériale. Un rapport, appelé  » Gazettes étrangères  » parvenait quotidiennement à l'Empereur sans que celui-ci y attachât plus d'importance qu'il ne fallait car, disait-il,  » rarement les conspirations se traitent par cette voie… « . Metternich, qui lui aussi, usait de la censure postale, ne se faisait guère d'illusion sur l'usage qu'on faisait des lettres adressées par la Poste. Il écrivit au directeur des Postes pour lui communiquer une empreinte de son nouveau cachet :  » J'ai l'honneur de vous faire remarquer que mon cachet a, par malheur, reçu un coup de poinçon. Veuillez donc en faire autant au vôtre afin que je continue à ne m'apercevoir de rien « .


La poste aux chevaux
Un second grand service était placé sous l'autorité du directeur général des Postes: le service des Relais, c'est-à-dire l'administration de la Poste aux chevaux.
Les relais de poste servaient d'abord aux courriers de l'administration de la Poste aux lettres: ils y trouvaient les montures fraîches que le maître de poste était tenu de leur réserver. Sous l'Ancien Régime, les ma1tres de poste jouissaient de nombreux privilèges, notamment en matière fiscale. La Révolution les supprima, ce qui entraîna une réaction des maîtres de poste qui menacèrent d'abandonner leur service pour se lancer dans les entreprises de messageries privées devenues très rémunératrices. Il fallut augmenter les gages des maîtres de poste, élever les tarifs de louage des chevaux. Mais la concurrence avec les messageries restait vive. Aussi des mesures furent-elles prises pour améliorer la situation des maîtres de poste dont le maintien était indispensable au bon fonctionnement des communications.
Les entrepreneurs de voitures publiques, même s'ils n'utilisèrent pas les chevaux des maîtres de poste furent tenus de leur payer pour chacune de leurs voitures 25 centimes par cheval et par poste (c'est-à-dire environ 4 livres).
Par ailleurs, le développement du service d'estafettes favorisa les maîtres de poste qui mettaient leurs postillons à la disposition de l'administration pour assurer la transmission des plis urgents du gouvernement.
Toute la règlementation concernant le service de la poste aux chevaux, les tarifs, la nomenclature des différents relais étaient indiqués sur les livres de poste, appelés officiellement  » Etat général des routes de poste « . Ces annuaires qui permettaient aux voyageurs en poste (2) d'établir leur itinéraire ainsi que le prix à payer pour leur voyage étaient mis à jour et édités chaque année.


Poste aux chevaux, Poste aux lettres, pendant toute la durée de l'épopée impériale, les communications postales sont maintenues grâce aux efforts des administrateurs et à l'autorité vigilante de l'Empereur.
Napoléon disait qu'il fallait juger la prospérité d'un pays aux comptes de ses diligences. De ce point de vue, les comptes de la poste sous l'Empire offrent l'exemple d'un pays heureux.
Quelques exemples de durée des parcours par relais de poste en 1809 :
Paris-Anvers………………..3 jours 1/2
Paris-Bruxelles…………….3 jours
Paris-Lille……………………3 jours
Paris-Lyon……………………4 jours
Paris-Mayence……………..5 jours
Paris-Genève………………..6 jours
Paris-Nantes…………………4 jours
Paris-Strasbourg…………..5 jours
Paris-Toulouse……………..8 jours
Paris-Rouen…………………13 heures
Paris-Caen…………………..1 jours1/2
Paris-Bordeaux…………….5 jours


Le télégraphe aérien sous l’Empire
Le 9 novembre 1799 une dépêche télégraphique était transmise pour annoncer que le Général Bonaparte était nommé commandant de la force armée à Paris. Le lendemain, le pouvoir exécutif était confié à trois Consuls : Bonaparte, Siéyès et Roger-Ducos. Claude Chappe soumettait alors aux trois Consuls un projet de dépêche pour annoncer cette nomination, mais la communication ne put avoir lieu à cause du mauvais temps.
Entre ces deux dépêches, l'une transmise, l'autre restée à l'état de projet, il y avait toute l'ambiguité du télégraphe aérien : ce remarquable instrument de communication présentait une grande faiblesse, celle d'être tributaire des conditions atmosphériques. Napoléon soucieux d'efficacité dans sa stratégie, porta toujours un vif intérêt au développement des communications télégraphiques, sans, toutefois accorder une confiance absolue et définitive à ce système qui pouvait lui faire brusquement défaut.

L'invention du télégraphe Chappe


La première dépêche télégraphique officielle fut transmise le 16 août 1794 pour annoncer la reprise de la ville du Quesnoy par les troupes françaises combat tant les Autrichiens. Enthousiasmés par cette invention, les Conventionnels ordonnaient à Claude Chappe la construction d'une deuxième ligne vers l'Est, la première reliant Paris à Lille. Le réseau télégraphique comprenait ainsi, à la veille de la proclamation de l'Empire trois lignes principales Paris-Lille, Paris-Strasbourg par Metz, Paris-Brest, cette dernière ligne appartenant au ministère de la Marine, tandis que les deux autres dépendaient du ministère de la Guerre.
Ce télégraphe qui s'était répandu en quelques années sur le pays avait été mis au point par Claude Chappe, jeune physicien né dans la Sarthe. Ayant d'abord pensé à utiliser l'électricité pour transmettre des communications, Claude Chappe présente un projet de télégraphe aérien à l'Assemblée Nationale qui l'autorise à tenter une première expérience de communications entre deux stations établies l'une à Ménilmontant, la seconde à Saint Martin du Tertre. Le député Lakanal assista à l'expérience et rédigea un rapport favorable : Chappe fut alors chargé, avec le titre d'  » ingénieur thélégraphe  » (sic) de construire une ligne entre Paris et Lille. En dépit de nombreux obstacles financiers ou techniques qu'ils rencontrèrent Cl. Chappe et ses collaborateurs réussirent à mener à bien leur mission et le télégraphe commençait à fonctionner au mois d'août 1794.
En quoi consistait donc ce télégraphe dont l'invention fut chaleureusement saluée par Barère devant la Convention ? Le télégraphe Chappe était un système de transmission à distance de signaux effectués par des appareils situés à des distances convenables le long d'une ligne. Chaque appareil était composé de trois bras mobiles : le régulateur et deux indicateurs disposés sur les extrémités de celui-ci. Ces bras mobiles reliés par des câbles aux manettes disposées à l'intérieur de la station pouvaient prendre 196 positions différentes. Il suffisait alors d'établir par convention une correspondance entre chacun de ses signaux et leur signification.


Les premières dépêches furent transmises lettre par lettre. Mais il apparut très vite nécessaire d'établir un code dans lequel chaque signal représenterait un mot ou un groupe de mots. Le premier code, établi par Léon Delanoy se composait de 9.999 mots. Puis les frères Chappe utilisèrent trois codes : le vocabulaire des mots (8.464 mots d'usage courant), le vocabulaire des phrases (8.464 phrases ou expressions utilisées également de façon habituelle) enfin un vocabulaire géographique de 8.464 lieux géographiques.
La transmission des dépêches se faisait de la façon suivante : lorsque deux stations en relation directe étaient en état de fonctionnement la transmission commençait. Le mouvement des appareils était donné par un agent appelé stationnaire. Celui-ci se contentait de transmettre des signaux sans en connaître la signification, seuls les traducteurs en possession du code pouvaient effectuer la transcription. Les règles de transmission établies en 1795 furent utilisées jusqu'en 1830. Chaque indicateur pouvait prendre 7 positions différentes, multipliées par les 7 positions de l'autre indicateur, on obtenait 49 combinaisons lorsque le régulateur était en position verticale et 49 lorsqu'il était en position horizontale. Cela représentait au total 98 signaux dont 6 furent réservés à des indications spéciales.
Les transmissions pouvaient donc être assurées grâce à 92 signaux représentant les chiffres 1 à 92. Les dépêches télégraphiques étaient donc chiffrées : chaque chiffre correspondait à un des 92 mots disposés sur chacune des 92 pages du vocabulaire. Rappelons qu'il existait trois vocabulaires différents. Le message indiquait donc au préalable quel vocabulaire devait être utilisé pour déchiffrer la dépêche. La transmission du message commençait ensuite : chaque stationnaire prenait note des signaux et répétait ensuite la dépêche pour une autre station située un peu plus loin. De proche en proche, le message était transmis : à l'arrivée il était déchiffré par un traducteur en possession du code.
Bien qu'assez complexe, ce système permettait, lorsque les meilleures conditions étaient réunies, une très rapide transmission : c'est ainsi que sur la ligne Paris Lille il fallait 2 minutes pour transmettre une courte dépêche et 6 minutes et demi sur la ligne Paris Strasbourg.
M. Henri Gachot dont les études sur le télégraphe Chappe en Alsace sont très importantes donne l'exemple suivant :
 " Au Directeur du Télégraphe à Strasbourg: le réponds à votre dernière dépêche L'armée a battu complètement l'ennemi " .
 " Ces 18 mots, dit M Gachot, ont pu être acheminés par la voie aérienne en utilisant les trois groupes suivants 4/55 – 53/21 et 12/13, soit six signaux pour 18 mots " . (Le Télégraphe aérien en Alsace – Strasbourg 1968).
Les stationnaires finissaient par acquérir une grande dextérité dans la manipulation des appareils. Toutefois liée aux conditions atmosphériques, à la longueur des messages, à la solidité des appareils, la transmission était en général plus longue. Et surtout, elle pouvait être interrompue brusquement par un incident technique ou la montée soudaine d'une nappe de brouillard. Par ailleurs, la nuit, aucune communication ne pouvait être effectuée.


Extension du réseau télégraphique sous l'Empire
En dépit du succès que son invention avait obtenue, Claude Chappe souffrait beaucoup de ne pouvoir donner à son oeuvre une extension plus grande. Il avait eu notamment le projet de réaliser un réseau européen de communications télégraphiques mettant en relations les grands ports : Cadix, Amsterdam, Londres, Calais, etc. Il aurait voulu également créer un bulletin télégraphique quotidien donnant chaque jour dans les grandes villes de l'Empire les principales nouvelles. Il avait également poursuivi ses recherches pour améliorer les communications télégraphiques. Napoléon avait d'autre part chargé Abraham Chappe de rechercher le moyen d'établir une communication télégraphique de jour et de nuit entre les côtes de France et celles d'Angleterre. Napoléon pensait, à cette époque, procéder à un débarquement de ses armées en Angleterre. On peut penser que si c'est Abraham qui fut chargé de cette tâche, celui-ci ne manqua pas de demander à son frère Claude de participer aux travaux de recherche qui ne furent pas poursuivis en raison de l'abandon du projet de débarquement. Claude Chappe était atteint alors de cette maladie nerveuse qui devait le conduire au suicide.

Après la mort de Claude Chappe, ses frères qui depuis le début, lui avaient été associés, poursuivirent son oeuvre. Ignace et Pierre Chappe furent nommés administrateurs, tandis qu'Abraham était, sur sa requête, attaché à l'état-major général de la Grande Armée. Abraham s'était présenté lui-même pour assurer ces fonctions auprès de l'Empereur.
Le Directeur du Télégraphe à Boulogne à sa Majesté l'Empereur et Roi,
Sire,
J'ai l'honneur de demander à Votre Majesté de créer une place de Directeur du Télégraphe, attaché à votre Etat-Major, à l'effet de vous suivre partout où DOUS l'ordonneriez et de traduire les dépêches télégraphiques que vous voudriez transmettre ou qui vous seraient adressées.
Outre l'avantage, pour Votre Majesté, de pouvoir communiquer de tous les endroits où il y a des télégraphes, il résultera celui de ne point être obligé de confier à un Directeur inconnu de Votre Majesté, des dépêches qui peuvent exiger une grande confiance en celui qui est chargé de les traduire.
Si ce projet méritait l'approbation de Votre Majesté, j'oserai réclamer de votre bonté l'occasion de vous convaincre de mon zèle et de mon entier dévouement.
J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté le très humble, très obéissant et très soumis sujet.
A. Chappe
Sa demande ayant été agréée, Abraham Chappe fut nommé, le 30 août 1805,  » directeur des télégraphes  » auprès de la Grande Armée. A ce titre, il était chargé de  » traduire les dépêches télégraphiques que l'Empereur, son lieutenant et son Major Général voudront transmettre ou qui lui seront adressées « . Abraham occupera ces fonctions jusqu'en 1814. Il fut, par ailleurs, chargé de visiter les installations de la ligne Paris-Strasbourg pour voir si elles étaient en état.
Le télégraphe prenait de plus en plus d'importance et Napoléon portait une attention toute particulière à son développement. C'est ainsi que, averti sans doute des créations effectuées dans des pays voisins comme l'Angleterre où un système télégraphique aérien avait été mis en place, l'Empereur demande au ministre de la Marine, l'amiral Decrès des précisions sur les nouveaux systèmes utilisés en France.
 » Faites-moi un mémoire court et bien clair, qui me fasse connaître quels sont les nouveaux télégraphes que vous venez d'établir. Sont-ce des combinaisons de lettres de l'alphabet, comme le télégraphe de terre ou des signaux ? Peut-on envoyer par ces télégraphes l'ordre à l'escadre de Cadix de faire un mouvemen, ou la prévenir de la sortie d'une escadre de Toulon ou de Brest ? « 
On le voit, Napoléon aurait bien voulu disposer d'un réseau qui lui permît de diriger depuis Paris des opérations stratégiques, mettant en mouvement ses armées ou ses escadres du Nord au Sud de l'Europe.
Différentes mesures sont prises dans ce sens: la ligne du Nord est prolongée en 1808 jusqu'à Anvers et à l'entrée des bouches de l'Escaut jusqu'au port de Flessingue. Cette ligne atteindra Amsterdam en 1810.
Vers l'Italie, la ligne Paris-Lyon est prolongée jusqu'à Turin en 1805, jusqu'à Milan en 1809 et enfin Venise en 1810. Napoléon a veillé personnellement au développement du réseau comme en témoigne sa correspondance. Le 16 mars 1809, il écrit au ministre de l'Intérieur :  » Je désire que vous fassiez achever sans délai la ligne télégraphique d'ici à Milan et que dans quinze jours, on puisse communiquer avec cette capitale « .
Le 10 avril de la même année, il écrit au Prince Eugène, vice-roi d'Italie, pour lui préciser que  » le 15, le télégraphe doit communiquer avec Milan, il me tarde bien de savoir que cette communication est ouverte « .
En 1810, le réseau télégraphique atteint son plus grand développement : d'Amsterdam à Venise, de Brest à Vienne, les stations télégraphiques se multiplient et assurent les communications rapides de plus en plus nécessaires à mesure que l'Empire s'agrandit. En fait, le réseau télégraphique est utilisé d'une façon complémentaire aux autres moyens d'information: les courriers à cheval, les estafettes qu'affectionnait l'Empereur continuaient à transporter les messages urgents, parfois même sur des portions de lignes télégraphiques provisoirement interrompues. Sur la ligne Vienne-Strasbourg le télégraphe système Chappe n'ayant pu être installé, il fallut se contenter de transmettre des signaux composés avec des fanions de différentes couleurs.
Au retour de la Campagne de Russie, l'Empereur ordonna la prolongation de la ligne Paris-Strasbourg jusqu'à Mayence. Les travaux furent effectués en deux mois et le 29 mai 1813 les premières dépêches étaient transmises. 

Le télégraphe et les cent jours
Le retour de l'Empereur et son débarquement au Golfe Juan furent annoncés au gouvernement par une dépêche télégraphique en provenance de Lyon. La progression de l'Empereur fut suivie, heure par heure, grâce aux dépêches qui se succédèrent.
Le baron de Vitrolles faisait télégraphier à Monsieur, frère du roi, une dépêche qui montre bien l'anxiété du roi devant la marche foudroyante de l'Empereur.
 " Sa Majesté ordonne qu'il parte tous les jours deux estafettes pour Paris avec tous les détails qu'on aura pu réunir et que les dépêches télégraphiques se succèdent sans cesse les unes aux autres " .
Le 21 mars, le duc de Bassano expédiait aux préfets la circulaire télégraphique suivante qui fut transmise sur toutes les lignes.
 " S.M. l'Empereur est entré à Paris hier, à huit heures du soir, à la tête des troupes qui, le matin, avaient été envoyées contre elle, et aux acclamations d'un peuple immense " . 

Un demi-siècle plus tard, le télégraphe électrique connaissait, sous le règne de Napoléon III, un développement spectaculaire. Le télégraphe Chappe, comme les diligences, disparaissait et le poète Gustave Nadaud regardait avec nostalgie s'arrêter les étranges machines. 
Puisque le destin nous rassemble
Puisque chaque mode a son tour
Achevons de mourir ensemble
Au sommet de ta vieille tour 
Là comme deux vieux astronomes 
Nous regarderons fièrement
Passer les choses et les hommes
Du haut de notre monument.
(Le vieux télégraphe)







lundi 6 mai 2019



Les aérostats

En 1772 Jean-Marie Coutelle est à Versailles, il est le professeur de physique du frère de Louis XVI (Le comte d’Artois). Il y fait la rencontre d'Alexandre Charles, physicien.

Ils assistent tous deux à l’expérience des frères Montgolfier et Charles étudie la possibilité de remplacer l’air chaud utilisé dans les montgolfières par de l’hydrogène dans les ballons fermés.


Le 27 août 1783, Charles fait voler devant 300 000 spectateurs rassemblés aux Tuileries, un ballon gonflé à l'hydrogène. Coutelle adopte les idées de la révolution, lui et Guyton de Morveau présentent leur travaux au comité de salut public qui décide l’utiliser les aérostats à des fins militaires.
















Le 29 octobre 1794 la première compagnie d’aérostiers est constituée, Coutelle en est le capitaine.

L’Entreprenant le premier ballon construit a 27 mètres de diamètre. Le 2 juin Coutelle et Radet utilise l’Entreprenant pour faire les premières observations au siège de Maubeuge.


Au siège de Charleroi la précision des observations sème le désordre dans les rangs ennemis. Le 26 juin, Bataille de Fleurus, la bataille fait rage; les français parviennent à stopper l’avance ennemie lorsqu’un ballon captif, L’Entreprenant, sélève au-dessus du champ de bataille. Les renseignements fournis conduisent à la capitulation des Autrichiens.

Au retour de la campagne d’Egypte, le sort des ballons se joue, leurs conditions d’utilisation, leur système de production d’hydrogène rendent leur transport difficile, le 18 février 1799, l’école de Meudon (formation des aérostiers et construction des ballons) est fermée.


Production de l’hydrogène

Depuis l’Antiquité avec Aristote, tous les savants ont été convaincus que l’univers était constitué de quatre éléments : l’eau, la terre, l’air et le feu.

Après une vingtaine de siècles, des doutes s’insinuent ; ainsi au XVIème, le philosophe et médecin suisse Paracelse (1493 – 1541), qui était aussi alchimiste et physicien, se demande si "l'air" qui se dégage lors de la réaction du vitriol sur le fer est bien identique à l'air que nous respirons.

Robert Boyle (1627 – 1691) isole cet "air" au siècle suivant, puis Henry Cavendish (1731 – 1810), physicien et chimiste britannique, reprend les travaux de Paracelse avec différents métaux. En 1766, il recueille d'importantes quantités de gaz dans des vessies de porc et montre que ce gaz, "l'air inflammable", brûle dans l'atmosphère en produisant de l'eau.

Puis, les expériences d’Antoine Laurent de Lavoisier (1743 – 1794), assisté de Pierre Simon et Jean Baptiste Meusnier de La Place, fondent la chimie moderne et donnent une interprétation des résultats précédents grâce à la synthèse de l'eau effectuée le 24 juin 1783 en présence de Sir Charles Bogden, Secrétaire de la Royal Society.



Cela lui permit d'écrire, dès le lendemain, à l'Académie des Sciences française, après la description de l'expérience : "nous ne balançâmes pas à en conclure que l'eau n'est pas une substance simple et qu'elle est composée, poids pour poids, d'air inflammable et d'air vital". Cet air inflammable qui, avec l’oxygène, l’air vital, composait l’eau, est l’hydrogène, nom signifiant : « qui produit de l’eau ». En avril de l'année suivante, Lavoisier et Meusnier présentent à l'Académie un procédé quasi industriel de production d'hydrogène en grande quantité par action de l'eau sur le "fer au rouge”. L’oxygène de l’eau se lie alors au fer pour former de la rouille, et l’hydrogène est dégagé.